On le voit dressé fièrement au bord des routes, au garde à vous. A croire qu’avec son identité de roi de la jungle notre Leonotis (littéralement oreille de lion) se prend pour la star avec ses petites inflorescences en pompon digne d’un spectacle de cabaret. Pourtant, on ne l’aime pas beaucoup ici, surtout dans les champs de canne où il peut se montrer plutôt envahissant comme invité.

Tandis qu’ailleurs, on l’adore… mais pas seulement pour en faire des tisanes de mémé. Disons que… ça s’adresse à un public plus jeune en recherche de sérénité, quoi. Je vous raconterai ça plus bas. En attendant, quelques astuces pour ne pas le manquer si vous le croisez en chemin. Car vous la retrouverez à peu près partout en zone tropicale cette plante originaire d’Afrique et d’Inde du Sud.

  • des inflorescences en forme de pompons (on dit glomérules) qui s’étagent le long de la tige
  • des fleurs orange vif
  • une tige carrée (famille des Lamiacées)
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Ceux du fond font une belle taille! C’est une plante qui peut atteindre 2 mètres!

Propriétés médicinales de Pompon soldat

Avant toute chose, petite mise en garde trouvée dans la littérature anglophone et hispanophone, mais pas en français : cette plante peut causer des allergies (dermatites).

Traditionnellement, la plante a été utilisée en Amérique du Sud et dans la Caraïbe pour soigner le paludisme. Malheureusement, les recherches ont montré que la plante n’avait clairement pas cette qualité.

Elle a de nombreuses applications en médecine traditionnelle en Martinique, de son emploi contre la grippe, la fièvre, la blesse ou encore les parasitoses, le diabète, les vomissements aux propriétés cholagogues diurétiques, antiasthmatique qu’on lui prête, on aurait vite fait d’imaginer que c’est la panacée. Mais il faut être raisonnable, et même si on lui prête énormément de propriétés, en Martinique comme ailleurs dans le monde, à l’heure actuelle, les scientifiques se montrent plus sceptiques.

Encore quelques exemples ? A Trinidad et à la Barbade, on l’utilise contre la toux. En Haïti, c’est contre les gaz. Au Rwanda, les feuilles sont utilisées contre mille maux d’après Boillard (mais il ne les cite pas). A Madagascar et ailleurs, c’est pour les maladies de peau ou pour la grossesse et les douleurs post-accouchement. Je trouve enfin la trace d’un thé abortif confectionné avec Leonotis.

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License Creative Commons: Golden-winged Sunbird (Drepanorhynchus reichenowi) feeding on the nectar
Photograph by: Steve Garvie

Potentiel du Ponpon soldat : que dit la science ?

Peut-on réellement croire qu’une seule plante peut traiter autant de maux à la fois ?

En fait, cette plante qui a tant d’usages traditionnels à travers le monde n’a pas fait ses preuves aux yeux de la science. Recalée. Non, elle n’est pas assez méritante pour faire partie de la pharmacopée caribéennes (Tramil) par exemple. D’ailleurs, les enquêtes réalisées par Longuefosse et Nocin il y a quelques années ont montré que ce n’était pas la plante la plus employée, quel que soit le domaine (vomissements, diarrhées etc). En fait, elle apparaît un peu- mais là, c’est moi qui interprète- comme un second choix, peut-être un complément.

Par exemple, chez nos voisins Saint-luciens on la combine avec le paroka et les feuilles de lime pour les coups de froid.

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La science a bien réussi à démontrer qu’elle avait quelques propriétés antibactériennes à son actif, notamment pour l’extrait aqueux des feuilles (ça tombe bien c’est cette partie qui est utilisée en tisane!). Mais aussi, qu’il était anti-inflammatoire et anti-convulsivant. L’extrait éthanolique a aussi du potentiel avec une activité anti-tumorale ! Mais non, il semble que tous les pays se soient donnés le mot pour conclure la même chose quelle que soit l’étude : « ce serait bien qu’il y ait davantage de recherches au sujet de cette plante ». Très bien mais… qu’attend-t-on ?! Sur le portail NCBI, une seule étude à son sujet !

Peut-être que l’absence de toxicité de cette plante, rend son étude moins urgente. Et c’est ce que propose Longuefosse dans son ouvrage : rien n’empêche de l’utiliser pour ses indications traditionnelles !

Pompon soldat, substitut du cannabis !

Ah ah, mais nous y voilà au véritable usage de cette plante qui est également comestible.

Dagga chanvre sauvageEh oui, les inflorescences de cette plante tout à fait banale se fument à défaut de cannabis. Et… en toute légalité, puisqu’elle ne contient aucune substance interdite. Cet usage est attesté en Allemagne où on la nomme « chanvre sauvage ». Finalement, est-ce un mal qu’on ne s’intéresse pas de trop près à ce végétal ? Car apparemment (je n’ai pas testé), les fleurs auraient un effet sédatif fort intéressant une fois séchées et fumées… ou en tisane pour aider à dormir. Elle ne présente pas les effets désagréables du cannabis (la « défonce »), seulement un effet détente, décontractant.

Mais dites donc… est-ce que la science ne serait pas en train de s’intéresser à la mauvaise partie de la plante en contrôlant l’effet de l’extrait des feuilles ?!

Pompon soldat et la spiritualité

Non, je n’évoque pas l’accès à une réalité parallèle via la pratique de la fumette, mais bien d’une utilisation religieuse. Notre Pompon soldat a été répertorié comme une des plantes utilisée pour purifier les objets rituels dans le cadre du Candomblé, la religion brésilienne qui se rapproche de la Santéria et du Vodou. Mais ce n’est pas tout, ailleurs sur le web, on l’appelle « Klip-dagga » et voilà que c’est une plante chamanique utilisée en Afrique de l’est comme hallucinogène.

Ses autres noms :

Leonotis nepetifolia, Leonotis nepetaefolia, Chanvre sauvage, Pompon soldat, léonure, chanvre sauvage, monte-au-ciel, Halanjanahary (Madagascar), Lanjambola (Madagascar), Igicumucumu (Rwanda), gwo ponpon, herbe gros bouton, zeb gwo bouton, quinino del pasto (Cuba), dagga …. et tant d’autres !

Biblio:

    5 replies to "Pompon soldat : aurait-il retrouvé son pétard ? (Leonotis nepetifolia)"

    • Dune

      il suffit d’essayer non puisqu’il n’y a pas de toxicité ?
      Merci encore pour ton texte une fois encore très interessant !

    • o

      Bonjour, est-ce que cette plante peut avoir des effets similaires à ceux du cannabis sur l’épilepsie?

      • Cécile Mahé

        Ah ça je n’en ai pas la moindre idée… Je ne parierai pas dessus, car ce n’est pas le même composé chimique qui est à l’origine de l’effet calmant. Ici c’est la leonurine, un alcaloïde également, mais c’est une grande famille où on trouve un peu de tout. En tout cas dans mes recherches je n’ai vu nul part mentionné l’épilepsie. Comme précisé ci-dessus, c’est une plante qui fait trop peu l’objet d’études sérieuses…

    • Longuefosse

      c’est une cousine du pompon soldat (Leonurus sibiricus) qui est utilisée comme substitut du cannabis : herbe à pompon, herbe à madame Lalie, herbe savon, chandelier, savonnette, zèb man lali, savonnèt, savon bastè, zèb a ponpon, chandilyè (motherwort, greasy bush, honey weed, rabo de leon, cebadilla, agripalpa, marijuanilla, marihuanilla) herbe médicinale originaire d’Asie, possédant des propriétés anti-inflammatoires et sédatives, employée contre la toux, la nervosité et comme substitut de la marijuana en Amérique Latine.

      • Cécile Mahé

        Merci beaucoup pour toutes ces précisions! Qui viennent contredire le livre, du coup… Mais c’est à s’y perdre, car j’ai trouvé que le dagga (qui est le nom commun sous lequel on retrouve les substituts) peut également être Leonotis leonorus!!! Qu’en pensez-vous? Des confusions à profusion ou simplement une grande famille qui possède des propriétés similaires?

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