Moins connu que la Stévia qui a obtenu ses galons notamment grâce à sa promotion par la célèbre marque de cola, la Lippia présente pourtant des caractéristiques similaires en plus d’un potentiel médicinal qui reste encore à découvrir dans toute sa dimension.

Je l’ai goûtée au Domaine d’Emeraude. C’est un espace aménagé par le Parc Naturel Régional au Morne Rouge pour accueillir notamment la plantothèque du réseau TRAMIL. Je ferai un autre article pour présenter le lieu en lui-même. Toujours est-il que cette plante qui pousse enfermée dans une serre, dans un petit pot en plastique a retenu mon attention.

Elle est délicieusement sucrée ! On lui chipe une petite feuille bien tendre et on la machouille. Et on croirait avoir pris une demi cuillère à café de sucre en bouche si ce n’était une petite amertume en note de fond. Mais pourquoi n’est-elle pas davantage répandue ?

En rentrant, quand j’ai voulu en savoir plus, je me suis rendue compte qu’elle n’était pas dans mes bouquins… Ah non, en fait, elle y est, mais pas sous le même nom : Lippia graveolens, une autre appellation. Deux minuscules lignes dans Plantes médicinales du monde.

Au Mexique, la « Yerba dulce » se prépare en tisane anti-rhumatismale. Ok on va pas aller loin. Pour en savoir plus, il semble qu’il faille s’attaquer aux publications en anglais.

La Lippia: un pouvoir sucrant fois 1000 !

Le composé responsable de la saveur sucrée a été isolé à partir de la plante en 1985. Il a été nommé hernandulcine en hommage au botaniste espagnol Francisco Hernández qui a découvert la Lippia. L’hernandulcine est un sesquiterpène à la saveur sucrée 1 000 fois supérieur au sucre, voire 1500 fois selon certaines sources.

Du sucre et du camphre

La saveur que j’avais qualifiée d’amertume est en fait due à la présence de camphre. Et cela explique du même coup pourquoi elle n’a pas le même succès que la stévia.

La présence du camphre lui confère des propriétés médicinales, mais limite également la fréquence de son utilisation. En effet, ce composé est reconnu comme toxique pour le système nerveux. A utiliser avec parcimonie donc et en aucun cas sur les enfants et les femmes enceintes.

Mais un réel potentiel médicinal de l’herbe à sucre

Elle était cultivée par les Aztèques pour soigner les affections bronchiques et respiratoires, les toux et les rhumes. D’autres utilisations traditionnelles la préconisaient pour le traitement des indigestions et les problèmes hépatiques ou l’hypertension.

Des études scientifiques ont permis d’établir que certains de ces usages trouvaient leur justification. Notamment, une publication de Pérez et al., 2005 dans le journal d’Ethnopharmacologie corrobore l’utilisation de l’extrait ethanol de Lippia dulcis dans le traitement des réactions inflammatoires. D’autres études ont montré que l’extrait de Lippia dulcis était un agent antimicrobien efficace. En 2008, c’est son efficacité dans le traitement de la bronchite qui a été mise en évidence par Görnemann. Cela tend donc à confirmer son utilisation traditionnelle. Et en plus, on a découvert une action sur la prolifération des cellules anti-cancéreuses (2002).

Plus qu’une plante à sucre, l’avenir de la Lippia semble appartenir aux champs de la médecine et de la phytothérapie. Que d’espoir dans toutes ces plantes dont on ne sait pas encore (ou on ne sait plus) à quoi elles peuvent nous être utiles. Je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces connaissances qui n’ont peut être pas été transmises et se sont évanouies dans la nature…

Ils étaient forts ces aztèques quand même. Quand on pense qu’on leur doit aussi le chocolat et la vanille!

    8 replies to "Le sucre des aztèques (Lippia dulcis)"

    • Myriam

      Bonjour,
      J’ai des plantes de stevia et des plantes de lippia dulcia, les dulcias poussent comme des champions, j’ai bien plus de mal avec la stevia, les pousses de dulicia poussent tres facilement (tu mets en terre c’est tout, bien humide) . les 2 doivent avoir beaucoup d’eau, et la stevia plus de chaleur, j’ai fait des pousses de dulcia au mois de fevrier il faut voir la plante et il y a deja des fleurs, nous habitons dans les bois donc pas beaucoup de lumiere mais un aire tres humide, en belgique donc region froide.

    • simon

      Bonjour,
      Merci pour cet article. J’ai une lippia sur mon balcon qui pousse comme « des champignons ». On peut la trouver en Suisse à Genève chez Landis. Par contre, je me demande à propos du camphre, quelle est l’utilisation recommandée pour ne pas exagérer sur les doses. Une fois par semaine, c’est ok?

      • louzoutraveller

        Bonjour Simon, merci pour ces infos! Concernant le camphre, je ne pense pas qu’une fois par semaine soit problématique, ça me paraît très raisonnable. En général, il faut éviter de prendre une plante en « traitement », c’est à dire 3 fois par jour pendant plus de 15 jours- 3 semaines (cas d’une personne qui sucrerait ses boissons tous les jours plusieurs fois par jour). Après, n’étant pas médecin, je suis bien incapable de donner une fréquence maxi.

    • Patricia

      Me suis encore instruite grâce à toi ! merci
      Dans quel pays pousse-t-elle ?

      • louzoutraveller

        Bonjour Patricia, elle pousse bien dans les Caraïbes apparemment puisque le TRAMIL travaille dessus mais il semble qu’elle soit originaire d’Amérique du Sud. Ceci dit, vu les témoignages, ceux qui ont la main verte arrivent à la faire pousser en climat tempéré!

    • Herbio'tiful

      Merci pour cet article complet et intéressant.
      Je cultivais la Lippia Dulcis avant, j’adore son goût et je le préfère à la stévia. J’ai arrêté la culture car je n’arrivais pas à garder les plants en vie…Je ne sais pourquoi. Petite déception mais ça reste une plante fabuleuse.

    • Clémentine

      Encore une découverte, merci. Mais dis-moi, cette plante est-elle trouvable dans le commerce ?
      Il me semble que les Aztèques étaient assez avancés en chirurgie aussi, non ?

      • louzoutraveller

        Eh bien, d’après ce que j’ai pu voir dans mes recherches, on la trouve sur certains marchés et des pépinières spécialisées la vende en ligne. Ca c’est pour la plante en pot, parce que sinon, le fait qu’elle contient du camphre empêche toute utilisation à grande échelle pour de la « consommation courante ». Je ne sais même pas comment elle est classée en France (médicinale? quelle liste? droit de la vendre en complément alimentaire?)

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