Ben quoi ? J’ai craqué, ça arrive même aux meilleurs, je me suis acheté un chapeau Bakoua ! Ces magnifiques couvre-chefs, super pratiques pour le jardinage, la bronzette sur la plage, l’apéro en bord de mer et autres activités primordiales dans la vie sont réalisés en Martinique à partir du Bakoua, dont ils tirent leur nom. Et en plus de servir en vannerie, cet arbre à un réel intérêt culinaire.

Le Bakoua ou Pandanus, un arbre monté sur échasses

Enfin, un arbre, c’est vite dit, en réalité le Pandanus, c’est son nom scientifique, est une « monocotylédone arborescente », autrement dit, c’est une plante qui se prend pour un arbre, un peu comme les palmiers auxquels on peut vaguement lui trouver un petit air de famille.

Mais pas besoin de palmiers dans la très grande famille des Pandanacées, ils sont assez nombreux comme ça. Plus de 600 espèces ! Plusieurs sont utilisées en vannerie.

Autre signe distinctif, ses racines échasses, qui le rendent facilement reconnaissable mais aussi très vulnérable aux intempéries.

Pandanus sanderi (feuilles bicolores) avec ses immenses racines-échasses
Pandanus sanderi (feuilles bicolores) avec ses immenses racines-échasses

Le chapeau Bakoua, plus que de l’artisanat, un art de vivre

Utilisé depuis des générations, il a fait ses preuves aussi bien en mer que sur terre. Il coiffe les ouvriers agricoles, les pêcheurs, les marchandes,… En ville, le bakoua s’habille de rubans et est tressé plus finement. Dans les champs de canne, sa souplesse préserve les coupeurs de canne des griffures et du soleil. En mer, il arbore une forme conique et verni, il protège de la pluie et des embruns.

Il fait partie de l’histoire, du patrimoine. On le retrouve sur tous les fronts. Pendant la guerre du Mexique où il gonfle les armées de Maximilien (1865/1868), il est arboré par les musiciens, couvre les grèves et s’installe dans les meetings politiques. On le voit s’agiter autour d’une table de sèbi (jeu de dé), d’un combat de coqs, ou d’une soirée bèlé. Il s’impose partout où il passe.

Le chapeau bakoua, un art hérité des amérindiens

L’art de la vannerie fut enseigné par les autochtones amérindiens aux Africains qui le transmirent à leur tour, de génération en génération, à leurs enfants. Aujourd’hui, les vannières les confectionnent encore, sur le pas de la porte, assises sur un petit tabouret, pour améliorer l’ordinaire. Comme l’explique le musée de la vannerie à Morne des Esses (commune de Ste Marie), apprendre la vannerie, c’est apprendre davantage qu’une technique, des motifs. C’est hériter des histoires, des légendes qui vont avec et tissent ensemble passé et futur :

« Lorsque nous tissons, ce n’est pas juste un individu qui fait le tissage mais beaucoup de personnes qui tissent avec lui : nos doigts individuels se joignent aux doigts des générations antérieures […]. »

Chapeau bakoua, détails
Chapeau bakoua, détails

Avant le chapeau, la feuille du bakoua

Ce sont les feuilles de Pandanus utilis (1m50 à 2 mètres tout de même) qui servent à la confection des chapeaux. La cueillette des feuilles doit se faire quand elles ont commencé à jaunir. Puis elles sont séchées au soleil. Les longues feuilles sèches sont débarrassées de leurs bordures épineuses avant d’être assouplies par raclage à l’aide d’un couteau, puis découpées en fines lanières pour être tressées.

« tout bakoua, pa bakoua »

Mais attention, ce n’est pas la seule fibre utilisée pour confectionner des chapeaux en Martinique : il y a aussi le cachibou, l’aroman, le latanier, le kabouya…

Tout est bon dans le Pandanus : feuilles, fleurs, tronc, fruits, tout se mange ou s’utilise en parfum

Eh bien, à la Réunion, il ne s’appelle pas Bakoua, mais vacoa. On mange son fruit, le Pimpin. Et aussi le chou du vacoa, qui est la partie tendre située entre la fin du tronc de l’arbre et le début du feuillage. Il est cuisiné en achards (ça c’est vraiment délicieux). C’est une spécialité culinaire créole (uniquement de l’Océan Indien, jamais vu aux Antilles) qui accompagne les carris. La technique, qui consiste à faire blanchir puis macérer des morceaux de légumes dans une sauce vinaigrée était utilisée par les marins portugais pour conserver les aliments. Et c’est resté !

Le Pimpin, fruit du Vacoa (credit photo: louzoutraveller)
Le Pimpin, fruit du Vacoa (credit photo: louzoutraveller)

En Micronésie Pandanus tectorius est considéré comme une denrée alimentaire importante. Ses fruits se consomment frais ou sont utilisés pour faire des conserves

Aux Molluques et à Java, on fabrique de la farine à pain à partir des fuits de Pandanus leram.

En Indonésie, les feuilles de Pandanus amaryllifolius sont utilisées pour parfumer des préparations sucrées.

A Mayotte, les femmes utilisent la fleur très parfumée, appelée mgu, comme invitation à l’amour, soit comme composante d’un onguent pour le corps, soit seule pour parfumer les draps.

En Inde, on extrait des panicules parvenus à maturation un parfum qui sert à parfumer l’huile capillaire, le savon, le tabac, les boissons…

Autres noms du Pandanus

« Vacoa », « Vacois », « Baquois », « Bakwa », »Palmier à Vis » et « Pimpin ».

_________________________________________________

Sources:

  • Vannerie du Morne des Esses
  • Jardin de Balata
  • Guide des Plantes Tropicales de Andreas Bartels

    2 replies to "Bakoua, l’arbre à chapeau de paille de la Martinique (Pandanus sp.)"

    • artfordplus

      Merci pour cet article extrêmement intéressant!

Leave a Reply

Your email address will not be published.