Est-ce que je vous ai parlé de ma dernière trouvaille ? A la foire expo de Fort-de-France il y a 15 jours ? Un petit vendeur d’encens qui embaumait plusieurs allées. Il faisait ses mélanges lui-même, sur place, en fonction de la demande, prenait le temps d’écouter, sans se soucier de la queue de 10 personnes qui s’allongeait devant son stand. J’adore ! L’occasion de vous parler de ces résines et de toutes leurs merveilleuses utilisations médicinales. Au fait, êtes-vous sûr de bien savoir ce qu’est l’encens ?

Qu’est-ce que l’encens et comment ça se « fabrique » ?

 

« Et comme tout en moi te chérit et t’admire

 

tout se fera benjoin, encens, oliban, myrrhe »

 

Baudelaire, Les Fleurs du Mal

Un encens… des encens

Ce qu’on appelle communément encens, ce sont ces petits bâtons parfumés que l’on fait brûler pour parfumer l’intérieur de nos maisons. Encens désigne aussi l’encens en grains que l’on brûle dans un encensoir à l’occasion de cérémonies religieuses notamment.

Mais en réalité, au sens strict du terme, l’encens désigne la résine d’un seul arbre, le Boswellia qui pousse en Afrique du Nord (est) et en Arabie. Encens ou Oliban, c’est l’autre nom de cette oléorésine naturelle que l’on obtient en incisant le tronc des arbustes. Elle est si précieuse qu’elle faisait partie des cadeaux des Rois Mages (or, encens, myrrhe) !

L'adoration des Mages, Rubens, XVII°s
L’adoration des Mages, Rubens, XVII°s

Mais dans les grains d’encens que l’on peut trouver en vente, on va trouver d’autres oléorésines, aussi parfumées et avec également un intérêt médicinal certain. Elles proviennent d’autres arbres que le Boswellia. La myrrhe en fait partie, elle provient de Commiphora. Il y a aussi le copahu des Copaïfera, la térébenthine, le camphre, récolté sur des arbres de 40 à 50 ans, et encore le benjoin qui vient de Styrax ….

Tout un monde de résine ! Ou plutôt d’oléorésines car il s’agit d’un mélange de résine et d’huiles essentielles.

Des « encens » aussi sous nos climats

En réalité, on pourrait aussi sous nos climats européens récupérer les oléorésines de pins (= la térébenthine), de sapins qui sont très parfumées… mais ça n’est pas vraiment rentré dans les mœurs. En revanche, en Martinique, la résine blanche du gommier blanc (Dacryodes excelsa) ou « Bois l’encens » comme on l’appelle ici est récupérée. Elle est très prisée (mon petit vendeur de la foire expo n’en avait plus que des miettes) car son odeur, qui se rapproche de la térébenthine, éloigne les moustiques quand il est brûlé, ce qui est particulièrement appréciable sous les tropiques.

La boutique Maïko Incense, Petite Anse, Martinique
La boutique Maïko Incense, Petite Anse, Martinique

Les bâtons d’encens: des oléorésines également

Pour résumer, parler d’ « encens » est finalement souvent un abus de langage. Car l’encens est en fait le produit d’un seul arbre. Ce qu’on appelle encens regroupe finalement les résines de plusieurs arbres. On devrait donc plutôt appeler ça « mélange d’oléorésines » mais c’est quand même moins sexy. Mais alors, et les bâtons ? Les bâtons sont faits à partir d’une pâte qui contient notamment ces oléorésines (encore elles!). En plus, on ajoute, entre autres un liant, comme la gomme arabique, de la poudre de Makko (écorce), un combustible (charbon), et de l’eau.

 

Avant de parler des vertus « psychiques » attribuées à l’encens, je voulais parler de ses vertus « physiques » qui elles sont moins connues. Ou plutôt, on les utilise sans le savoir !

Soins physiques : les baumes

 

Les baumes, des oléorésines pas comme les autres

Attention, c’est le jour des mots trompeurs. L’encens n’est pas l’Encens et ici, baume n’est pas à entendre comme simple « pommade » ou « crème ». Il faut plutôt rapprocher le terme de « embaumer » et des techniques de l’Egypte ancienne… momies, pharaons, embaumement, vous me suivez toujours ? Pas de panique, je ne vais pas faire un remake de La Momie.

C’est que les baumes, voyez-vous désignent en fait les oléorésines elles-mêmes. Oléorésines qui étaient utilisées pour leurs excellentes propriétés de fixateurs, anti-parasitaires, désinfectants, conservateurs etc. je ne vais pas rentrer dans les détails des bandelettes. Concentrons-nous sur les vivants.

Donc les baumes sont en fait une catégorie d’oléorésines. Ils sont caractérisés par une proportion importante d’acides benzoïques et cinnamiques, des composés très aromatiques. Ils peuvent être liquides ou solides. Finalement, baume, oléorésine, encens… c’est kif kif bourricot si on veut simplifier. Et ils ont des propriétés médicinales reconnues depuis longtemps (tout comme d’autres oléorésines, d’ailleurs qui ne sont pas classifiées comme baume).

Les propriétés médicinales des baumes (et des oléorésines)

Par exemple, le baume de Tolu, une oléorésine qui vient de Myroxylon Balsamum (variété Balsamum) originaire de Colombie, Venezuela et cultivé dans les Caraïbes. Il a des propriétés béchiques (c’est à dire qu’il calme la toux) et antiseptiques pulmonaires. On le prend donc par voie orale, associé à un sirop pour traiter les affections des voies respiratoires.

Le baume du Pérou est obtenu à partir du tronc scarifié à chaud de Myroxolon Balsamum (variété Pereirae). Il est réputé pour ses propriétés antiseptiques cicatrisantes, notamment dans le traitement des plaies et brûlures. On l’utilise uniquement par voie externe.

On notera que les baumes n’ont pas laissé indifférent l’industrie pharmaceutique qui a depuis longtemps reconnu leur efficacité redoutable et les a intégré à des médicaments bien connus. Les oléorésines non plus d’ailleurs. Par exemple, la térébenthine, l’oléorésine du Pin, entre dans la composition du célèbre Vicks vaporub.

Et on appelle également baume, les préparations de type « pommade » qui contiennent des baumes ou « oléorésines ». C’est ainsi que le fameux Baume du Tigre contient du camphre et du benjoin. Au fait, vous savez que vous pouvez fabriquer vous-même votre baume du Tigre ?

Remarque importante : les baumes, comme les huiles essentielles, sont des composés extrêmement puissants qu’il faut manier avec précaution. De plus, tout comme les huiles essentielles, ils ne sont pas solubles dans l’eau et pas forcément toujours miscible à l’huile végétale en plus. En cas de doute, on utilisera donc l’alcool pour les diluer, les incorporer…

Encens en grains, mélange
Encens en grains, mélange

Et aussi dans les parfums et cosmétiques précieux

Ainsi le baume de la Mecque, aussi appelé baume d’Arabie, d’Egypte, du Grand Caire (on voyage n’est-ce pas?), de Judée, de Galaad ou de Constantinople (dans le temps en plus!), est l’oléorésine issue d’une espèce de Commiphora (opobalsamum ou gileadensis pour être précis). Il entrait dans la fabrication de précieux cosmétiques réservés exclusivement aux seigneurs. Mais aujourd’hui, en parfumerie, ces excellents fixateurs de parfum ne sont plus utilisés et ont été remplacés par des molécules chimiques bien moins chères…

 

Encore une fois, je me suis laissée emportée et mon article est bien long. Je vais donc faire en deux parties. Dites-moi si mes articles sont trop longs, pas assez. Si vous préférez que je mette tout dans un seul ou si ce format « en parties » vous convient. Ca m’intéresse !

La suite donc sur les soins « psychiques », les effets de l’encens que l’on brûle sur les émotions, comment faire son encensoir « maison » pour pas cher (mon expérience, ça vaut ce que ça vaut, mais ça marche) et le lien avec la religion, pour très bientôt. C’est vraiment passionnant l’encens !

    8 replies to "Qu’est-ce qui se cache derrière les encens ? Des oléorésines utiles pour le soin du corps (baume) autant que de l’esprit (encensoir) !"

    • Schroeder Patricia

      Vos articles sont passionnants ! jamais trop longs , tout est intéressant . Merci !
      Quand l’encens est dissous dans l’alcool , on laisse l’alcool s’évaporer , tout en rajoutant petit à petit de l’huile .
      L’alcool s’évapore et l’encens est dilué dans l’huile ; son usage est ainsi plus facile dans un baume .

      • louzoutraveller

        Bonjour Patricia, vos commentaires me vont droit au coeur! Et merci pour l’astuce de dilution, c’est toujours bien utile d’avoir ces retours d’expérience dans les commentaires (pour moi d’abord, très égoïstement, mais aussi pour les autres visiteurs).

    • Celine

      Passionnant !

      • louzoutraveller

        Merci beaucoup! 🙂

    • Jenny

      Article très intéressant. Merci!

      • louzoutraveller

        Merci, merci! 🙂

    • Herbio'tiful

      Super article ! Intéressant et complet. Merci pour toutes ces informations.
      J’utilise l’encens Oliban (Boswellia carterii) pour ses vertus cicatrisantes, réparatrices et purifiantes dans un Cérat de Galien spécial crevasses et engelures pour l’hiver.
      En plus, ça donne une odeur boisée très agréable à la préparation.
      L’inconvénient, c’est qu’il faut le dissoudre dans de l’alcool et l’alcool assèche la peau donc j’en utilise des doses minimes.
      Sinon, je brûle souvent des bâtonnets d’encens chez moi pour me relaxer et parfumer la pièce. J’adore !

      • louzoutraveller

        Merci Séverine, pour le compliment (ça me donne l’énergie d’écrire la suite!) et le complément. Effectivement, les oléorésines sont un peu complexe à utiliser avec leur mode de dilution et parfois une certaine agressivité pour la peau. Mais avec leur puissance, même à des doses minimes, ton baume doit être super efficace! En tout cas, l’oliban pour les engelures, c’est une astuce qui m’aurait bien été utile il y a deux ans. Heureusement pour moi, plus de problème de froid pour le moment 🙂

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