Y a pas d’ortie en Martinique !!!! Combien de fois ai-je entendu ça depuis que je suis ici pour éviter d’avoir à faire son purin d’ortie… Ah, la bonne excuse ! Et pourtant il y a bien de l’ortie en Martinique. Il est temps de le crier haut et fort.

Cet article est rédigé dans le cadre du carnaval d’articles Des blogs et des Plantes, organisé ce mois-ci par Céline du blog RécréaNature qui a lancé un sujet piquant pour cette édition du mois d’avril: l’Ortie (vous pouvez participer vous aussi jusqu’au 22 avril ;)). Et c’est un vrai plaisir, car elle fait partie de l’aventure du carnaval depuis les tout débuts !

Qui est-elle cette ortie tropicale

Elle est de la même famille que l’ortie que l’on connaît en climat tempéré : les Urticacées. Elle a les mêmes habitudes « piquantes » que sa cousine, en plus intense paraît-il. Et comme souvent avec la végétation sous les tropiques elle est atteinte de « gigantisme » : les feuilles font quasiment la taille de ma main, 15 cm de large ! Mais c’est vrai, ce n’est pas tout à fait la même plante car celle de France métropolitaine, c’est Urtica dioïca.

M’enfin, les deux se ressemblent fortement quand même.

Ne me demandez pas pourquoi on l’appelle ortie blanche alors qu’elle est verte, je n’en sais absolument rien ! D’autant plus que d’autres appellent la même plante « ortie rouge » alors… si les botanistes se mettent à être daltoniens, où va-t-on !

Non, je plaisante, le nom d’ortie rouge est sûrement dû à la tige légèrement rougeâtre, ce qui d’ailleurs la différencie de l’ortie tempérée. Les feuilles sont aussi plus « dodues »

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Plus dodue, mais avec des piquants quand-même!

Mais attention, notre ortie blanche n’a rien à voir non plus avec le Lamier blanc qui est aussi parfois appelé ortie blanche (Lamium album), ni avec le Lamier pourpre baptisé ortie rouge (Lamium purpureum). Non, non, on est en présence d’une plante tropicale avec notre Urtica aestuans (ou Laportea aestuans), qui d’ailleurs est bien une ortie (Urticacées) et pas une Lamiacées.

Où trouver de l’ortie en Martinique (et ailleurs)

L’ortie est une plante qui aime les milieux riches et humides, exclusivement à l’ombre (sous les arbres). On la trouve donc tout naturellement… dans les zones de cultures intensives où les plantes sont poussées à l’engrais chimique, riche en azote : bords de champs, cultures abandonnées, fossés… et surtout, elle adore les bananeraies de la zone Nord Atlantique. Je le sais de source sûre : je suis allée en chercher ce week-end pour vous ramener de belles photos originales!

Oui, mais voilà, ces plantes là ne sont pas forcément bonnes à cueillir, en bords des champs potentiellement arrosés de pesticides… Mais il est possible de récupérer quelques pieds que l’on veillera à cueillir sains et sans bestioles que l’on plantera chez soi. Ils vont se multiplier et dans une terre saine vont se détoxifier et seront bons pour la consommation ! Tout simplement.

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Petit aparté : on trouve cette ortie largement répandue en zone tropicale, en lieu et place de notre traditionnelle ortie des milieux tempérés. Elle est notamment aussi très présente en Afrique. Mais ce n’est pas la seule ortie africaine, car ils ont aussi Laportea alatipes, une autre Urticacées dont les feuilles sont prisées pour guérir les morsures de serpent au Rwanda. Et il y a aussi Laportea ovalifolia, une autre espèce africaine qui elle a des propriétés antidiabétiques éprouvées. Oui, l’ortie tropicale a de la ressource !

Mais venons-en au fait : l’ortie blanche de Martinique, on la nommera ortie tropicale, est elle aussi intéressante que l’ortie « tempérée » ???

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Propriétés médicinales de l’ortie blanche des tropiques

Traditionnellement l’ortie blanche était utilisées contre les éruptions cutanées aux Antilles, ce qui rejoint un peu l’utilisation de l’ortie « tempérée » sur l’urticaire. Elle était utilisée également pour les douleurs intestinales, les crises nerveuses, les vers, l’hypertension, l’aménorrhée, les pleurésies et fluxions de la poitrine, les maladies vénériennes, bref, la décoction des feuilles sert à beaucoup de choses. De tout ça, des études ont pu démontrer une action réelle sur les douleurs intestinales et la nervosité.

Les racines sont également utilisées traditionnellement en décoction contre les rhumatismes (en friction sur les zones douloureuses).

Les feuilles peuvent également être utile en macération alcoolique, également pour soulager les rhumatismes, mais aussi en friction sur le cuir chevelu pour se débarrasser des pellicules.

D’autres usages sont également mentionnés dans la base Prota4u (paragraphe « uses ») en ce qui concerne la médecine traditionnelle africaine, je vous laisse les découvrir, inutile que je recopie ce qui est mentionné avec force détails.

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L’ortie blanche, une plante comestible

D’ailleurs, les feuilles se consomment, comme celles de l’ortie tempérée une fois blanchie à l’eau bouillante. Pour info, pour 100g de feuilles fraîches on a : eau 80 g, énergie 222 kJ ( 53 kcal ) , protéines 5,8 g , matières grasses 0,4 g , glucides 10 g , fibres 3 g , Ca 440 mg , P 114 mg , Fe 1,5 mg.

Mise en garde importante :

Il est important de noter que toutes les Laportea, elle contient des oxalates de calcium en grande quantité, contrairement à Urtica dioïca. Et ces oxalates de calcium forment des cristaux qui peuvent bloquer les reins (ils bouchent les « conduits »). Il ne faut donc pas la consommer en grande quantité. Mais pour une consommation raisonnable, il ne faut pas avoir peur.

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Les usages agricoles de l’ortie tropicale

La question peut se poser. Cette ortie est-elle adaptée à la confection du fameux purin d’ortie ? Et oui, c’est le cas. Des jardiniers amateurs de ma connaissance le font ! Ce purin est utilisé de la même manière que celui réalisé avec Urtica dioica, à savoir pour éloigner les insectes et activer a croissance des plantes.

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C’est aussi une plante hôte des nématodes, ravageurs bien connus des cultures de banane et sources de bien des pollutions par les pesticides en Martinique. Le débat fait rage sur les plantes hôtes : faut-il les laisser afin que les ravageurs des cultures les déciment à la place des cultures ou au contraire les attirent-elles à proximité des cultures, constituant des foyers de parasites… ?

C’est également une des plantes préférées des escargots géants, les achatines.

A noter, d’autres usages encore existent comme l’utilisation des fibres de la tige (l’écorce en contient 45%) pour la confection de fil, ficelles, cordes.

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D’autres orties dans les Antilles

Les noms vernaculaires peuvent être trompeurs… il existe bien d’autres orties, comme l’ortie montagne (Pilea duchassainghi) qui est aussi une Urticacées endémique à la Guadeloupe

Il y a aussi des plantes appelées « ortie » mais qui ne font même pas partie de la famille des Urticacées. C’est le cas de l’ortie grand bois (Besleria lanceolata), qui elle est endémique de la Martinique ! Et aussi l’ortie bâtarde (Zouti bata) qui est en réalité l’Armoise ti pompon qui n’a jamais piqué personne mais qui est aussi une plante médicinale et agricole intéressante (Acalypha arvensis). J’en ai peut-être oublié… en connaissez-vous d’autres des orties ?

Sources utilisées


Cécile MAHE
Cécile MAHE

Passionnée par les plantes du monde entier et leurs petits secrets, je partage sur mon blog au gré de mes envies, rencontres, découvertes

    6 replies to "L’ortie tropicale (Laportea aestuans ou Urtica aestuans)"

    • Michel Mokondji

      Nous en avons une très commune et très envahissante en RDC…. mais elle ne pique pas heureusement

      • Cécile Mahé

        Merci Michel!

    • Dune

      Merci !! est-ce qu’elle pique aussi ?

      • Cécile Mahé

        Oh que oui! Mais pas si on l’attrape par en-dessous. J’avoue que j’ai pas poussé l’expérience jusqu’à me faire piquer, mais on m’a dit que c’était très douloureux….

    • Mangocamphre

      Bonjour,
      Je connais également une plante urticante qui pousse en Martinique et qu’on appelle « gratelle ». Comme il s’agit d’une liane, je ne sais pas si elle fait partie de la famille des orties, mais pour gratter elle fait pareil.

    • Céline

      Bonjour Cécile,
      merci pour ta participation au Carnaval des Blogs et des Plantes sur l’Ortie, tu es la première ! Ces informations sont extrêmement intéressantes, dommage pour moi ce type d’ortie pousse un peu loin pour que je puisse faire des essais d’utilisation 😉
      Bon dimanche

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