Le fromager, arbre fascinant s’il en est par sa taille (40 mètres, voire 60 mètres) et ses contreforts puissants ne peut laisser indifférent. On le reconnaît aisément aux énormes épines qui parent son tronc, du moins lorsque les passants les lui ont laissées. Petit 360° de cet arbre à tout faire marqué par l’histoire.

Un arbre maudit: le fromager arbre à zombis

Aux Antilles, le fromager est lié à l’histoire de l’esclavage. Cet arbre solide a servi à plus d’un pour se pendre et échapper à ces conditions de vie inhumaines. Les esclaves étaient persuadés que s’ils se pendaient à ses branches, leur âme pourrait voyager au-dessus des mers et retrouver celle de leurs ancêtres. Rien d’étonnant à ce que le fromager ait gardé une mauvaise réputation.

La légende dit d’ailleurs que ce sont des arbres à zombis ou à soucougnan, qui accueillent l’esprit des morts. Les soucougnan sont des sortes de vampires, volants, plutôt féminins.

Mais bien avant cela, les Indiens Caraïbes qui peuplaient les Antilles évitaient d’utiliser le coton du fromager, car selon eux, leur sommeil en eût été hanté.

Un arbre sacré: le fromager intermédiaire avec les esprits

Dans tous les cas, le fort mysticisme qui entoure le fromager en fait un arbre respecté et protégé. En Afrique, il est considéré comme un arbre sacré et occupe avec le Baobab un rôle central dans beaucoup de contes où il aide le personnage principal, en se posant comme intermédiaire entre le monde des humains et le monde des esprits. C’est l’arbre qui abrite les esprits des ancêtres.

Chez les indiens Wayapi de Guyane, le tronc du fromager symbolise l’échelle qui permet à l’apprenti chamane d’accéder au monde des esprits qu’il veut domestiquer.

Pour les Mayas, le fromager était également un arbre très sacré : il symbolisait l’axe du monde, apparu au moment de la Création au centre de la terre. Parfois représenté sous la forme d’une croix, il a pu favoriser l’adoption du christianisme à l’arrivée des Espagnols. En certains endroits, une croix de couleur verte est encore adorée. C’est l’arbre national du Guatemala.

« Mlomp-Fromager1 » par Ji-Elle — Travail personnel. Sous licence Domaine public
« Mlomp-Fromager1 » par Ji-Elle — Travail personnel. Sous licence Domaine public

Un arbre à huile

Des graines est extraite une huile comestible qui est aussi utilisé comme combustible pour l’éclairage.

Un arbre médicinal

Aujourd’hui, le fromager est surtout employé pour faire des bains de feuilles (ajouter quelques feuilles à l’eau du bain) en association avec d’autres espèces médicinales, pour le traitement de la bourbouille et des éruptions cutanées. En Martinique, on lui associe notamment cassia alata, caca-béké et glycérine.

Les propriétés anti-inflammatoires et hypoglycémiantes de son écorce ont été démontrées. Dans certaines région, la décoction de l’écorce est utilisée pour traiter les coliques abdominales. Au Congo, le décocté des feuilles est utilisé contre les aphtes, la gingivite, les diarrhées et les maux de ventre ! Au Mali comme au Laos, on recourt à l’écorce en cas d’abcès dentaire ou de gingivite. Les feuilles, elles sont utilisées pour soigner la conjonctivite ou le tétanos infantile.

La tisane de feuilles est recommandée en cas d’inflammation d’après Longuefosse.

Un arbre à textile: le kapok

Si je vous dit que cet arbre est également appelé kapokier ? Vous pensez sûrement « kapok », cette matière duveteuse qui sert à rembourrer les coussins ? Eh bien vous avez raison, les fruits de cet arbre s’ouvrent à maturité et laissent s’échapper un duvet beige clair cotonneux plein de graines qui est un excellent isolant, imperméable et imputrescible. Attention toutefois, il est très inflammable. L’incendie du paquebot Normandie, ce serait lui : il garnissait les gilets de sauvetage….

Tout doux, tout duveteux, le kapok encore à l’intérieur du fruit arrivé à maturité

Origine du fromager et autres noms

Il est originaire d’Amérique tropicale et a été étendu par l’homme en Afrique et en Asie. On lui donne également le nom de Ceiba, Mapou, Bois coton, Kapokier ou Arbre aux amoureux.. En réalité, sont regroupés sous ce nom plusieurs espèces appartenant à la famille des Bombacées, notamment Ceiba pentandra et Bombax ceiba.

    24 replies to "Le fromager, arbre sacré, arbre maléfique ou géant généreux ?"

    • dimbour

      CONNAISSEZ-VOUS UN ARBRE DU MALI APPELE LE ROI DE LA FORET OU PIELOU?
      CET ARBRE AURAIT DES VERTUS MEDICINALES, J’AIMERAIS SAVOIR COMMENT ON LE NOMME EN MARTINIQUE.
      MERCI DE VOTRE REPONSE ET BONNE CONTINUATION

      • Cécile Mahé

        Bonjour Dimbour, non je ne connais pas! Il faudrait son nom latin pour pouvoir remonter aux différentes appellations 😉

    • Loom

      Bonjour,
      Serait-il possible d’avoir une estimation de l’âge des grands fromagers de Guyane,
      comme celui de Saül par exemple?
      J’ai regardé un peu partout sur le net, impossible d’avoir ce genre d’info… curieux n’est-ce pas ?
      merci pour vos lumière,
      cordialement,
      Max

      • Cécile Mahé

        Bonjour Max, je ne saurais pas vous dire… ça entretient le mystère 😉

    • Patrick

      Bonjour,

      Outre la beauté des arbres en général, du fromager de Guyane en particulier, je m’intéresse surtout à leur âge quand je suis devant eux. Ma question est simple : Peut-on calculer l’âge d’un fromager (de Guyane) et donc en – « milieu équatorial » – (croissance rapide, du fait d’une pluviosité conséquente) en utilisant la méthode utilisée en – « milieu tempéré » -, qui consiste à mesurer en centimètres la circonférence du tronc de l’arbre, à 1,40 m du sol, puis diviser par 3,14 pour enfin la multiplier par un coefficient compris entre 1,5 (pour les arbres à forte croissance) et 3 (pour les arbres à croissance faible) ? Remerciements anticipés.

      • Cécile Mahé

        Bonjour Patrick, j’avoue mon ignorance à ce sujet, je ne connais pas les coefficients. Je pense que ça doit être effectivement possible… je vous dis si je trouve de l’info!

    • MyBaobab

      Bonjour

      Presque 2 ans plus tard …. je suis amateur de baobab et de plantes tropicales. Et j’ai, actuellement en serre, et dehors l’été deux Kapok dont les photos de l’un sont sur mon album en ligne
      http://mybaobab.fr/album_tropic/picture.php?/6159/category/18
      http://mybaobab.fr/album_tropic/picture.php?/6160/category/18
      http://mybaobab.fr/album_tropic/picture.php?/6158/category/18
      Précision je suis dans le centre département Allier …
      Cordialement

    • KIDIBA Samuel

      Madame,salut!
      Heureux de découvrir ce blog. Je suis intéressé par les arbres, initié par mon père dès l’âge de 10 ans dans mon village perdu dans les campagnes du Congo Brazzaville. J’ai écrit une article : « L’arbre dans la loi coutumière en Afrique ». A présent je suis dans un groupe de jeunes chercheurs de mon pays , nous avons décidé d’écrire ouvrage sur l’arbre. Moi je souhaiterais bien vous envoyer mon article qui servira de contribution à cet ouvrage. Je suis socioanthropologue. J’ai mené plusieurs enquêtes dans les zones de forêt du Congo Brazza. vous me direz votre disponibilité.
      Le site web qui je vous communique est celui de mon institution qui n’a pas mes recherches.

      • Cécile Mahé

        Bonjour Samuel, quelle chance d’avoir été initié si jeune 🙂
        Ca doit être passionnant ce projet d’écriture. Je serai ravie de lire votre contribution et même de la partager ici avec les lecteurs avec les références du livre si vous m’y autorisez. Quand sera-t-il publié? Vous pouvez me l’envoyer a: [email protected]
        Bonne continuation et mille excuses pour le délai de ma réponse.

      • Christine

        Je tombe par hasard sur cet échange (parce qu’intriguée par un fromager vu sur Marie Galante). Du coup je me permets de vous signaler un trés beau roman qui se passe au Congo : « les yeux dans les arbres » de Barbara Kingsolver ! Il pourrait avoir un lien avec votre travail ?
        Chaque fois que je l’ai offert à mes amis, ils l’ont à leur tour offert !
        Amities.

        • Cécile Mahé

          Merci Christine, ça c’est super, je suis toujours à la recherche d’idées de lectures 🙂

    • dubois

      le fromager est effectivement un arbre sacre pour les amérindiens. Il est souvent au centre du village comme a Camopi en Guyane francaise.

      • Cécile Mahé

        Merci pour cette précision Dubois! Et c’est d’ailleurs un fromager guyannais qui avait gagné en 2015 l’élection du plus bel arbre de France 🙂

    • Potié

      Bonjour!
      Je suis étudiante ingénieure agronome, et je fais des recherches sur les arbres légumineuses que l’on pourrait planter dans une cacaoyère, et je me demandais si le fromager en faisait partie?

      Sinon en me référant aux usages caribéens et sud-américains, j’ai listé: le flamboyant, l’immortel (Erythrina corallodendrum), le glycéria bien sûr, le pois d’angole pour les premiers stades du cacaoyer.
      Avez-vous d’autres idées d’arbres fixateurs d’azote de l’île que l’on pourrait utiliser comme arbre d’ombrage?

      Merci d’avance!
      Bonne journée

      • Cécile Mahé

        Bonjour, je ne sais pas si ça peut avancer à quelque chose mais à Cuba ils utilisent le Saman (Albizia sam ou Samanea samen) pour faire de l’ombre aux caféier. J’avais écrit un article sur cet arbre, en fouillant un peu sur le blog… ça doit se retrouver 🙂 Ca m’intéresse ce sujet, c’est un mémoire? Ou c’est pour un privé? Le résultat sera dispo? Bon si j’en ai un autre qui me revient, je rajouterai… A bientôt!

    • Cessy

      Bonjour,

      Je découvre votre Blog et je tiens à vous remercier pour vos recherches. J’aime aussi la manière dont vous abordez les choses avec votre double casquette, je trouve cela très original avec une belle portée « mystique ».
      Que de belles aventures, que de belles histoires….

      • Cécile Mahé

        Merci pour ce retour Cessy 🙂 Bonne visite!

    • bernard

      bizarre, bizarre, aprés lecture du commentaire, il est vrais q’ à chaque fois que j’ aperçois un Fromager lors de rando, je suis irrésistiblement attiré par lui , comme un aimant
      à l’ époque ou toutes les coques laissent échapper leur coton, c’ est magique
      Et à chaque fois que j’ ai questionné un Antillais pour connaitre les particularités de cet arbre, les réponses se sont faites approximatives comme si on voulait me cacher quelque chose, éviter de me répondre…

      • Cécile Mahé

        Les mystères du fromager sans doute… Merci pour votre retour Bernard, qui ne fait que confirmer l’aura particulière de cet arbre magnifique! Effectivement, l’impression est assez féérique quand le kapok vole un peu partout: c’est les seuls moment où il neige ici 🙂

    • Herbio'tiful

      Merci pour cet article intéressant et complet. Je ne connaissais pas cet arbre, il est magnifique et a des utilisations très variés.

      • louzoutraveller

        Magnifique, c’est bien le mot, et je regrette de ne pas en avoir de photos (sauf les fruits qui sont de moi), pourtant j’en vois régulièrement. C’est très bizarre, c’est un peu comme s’il ne voulait pas se laisser photographier!

    • Le Cosmetorium

      Merci pour cette découverte je ne connaissais pas du tout cet arbre, mais il semble pourvu d’une vie plus que végétale. ses racines me font même penser aux dragons de Komodo.

      • louzoutraveller

        Oh oui! c’est tout à fait ça, une vie au-delà de son apparence végétative! Lorsqu’on le rencontre- du moins quand il a déjà atteint un âge vénérable, il fait vraiment une drôle d’impression. D’ailleurs, dans certaines histoires populaires, on raconte que des gens malveillants ne peuvent pas s’en approcher et sont obligés de faire demi-tour!

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