On en retrouve prisonniers des poils, agrippés aux vêtements, s’entremêlant où ils peuvent. Il faut croire qu’ils nous aiment ! Ils veulent voyager avec nous ces fruits minuscules et pourtant si attachant. Au sens propre du terme, vous l’aurez compris.

Cette plante n’a pas choisi le vent, ni de servir d’apéritif aux oiseaux et encore moins de se laisser choir lamentablement sur le sol pour assurer sa reproduction. Elle a choisi de prendre en main son destin. Ou plutôt entre crochets. Ses fruits adhèrent vigoureusement à tout ce qui passe grâce leurs poils crochus. D’ailleurs, elle sait y faire et se place à des endroits stratégiques. J’en suis persuadée : elle a tout calculé !

Une bonne tranche de rire grâce au Trèfle savane : qui est le plus malin ?

Je ne comprenais pas pourquoi tous les jours je me retrouvais avec ces graines collées à mes vêtements. Peu importe où j’allais, même en plein centre-ville, elles se retrouvaient là le soir, scotchées à mes vêtements du jour. Jusqu’à ce qu’un matin, sûrement mieux réveillée qu’un autre, je l’ai vu faire. Elle pousse dans le massif de fleurs qui borde le chemin. Camouflée par ses voisines, comme une intruse parmi les élégantes qui sont là, mais discrète, elle se penche. Elle se penche et s’étire de manière à être juste dans le chemin, mais pas trop, invisible et camouflée parmi les autres, dépassant juste assez pour accomplir son œuvre.

Quelle merveille de la nature, quelle intelligence tout de même. J’ai bien rigolé en la voyant là et j’ai pris quelques photos qui illustrent l’article. Sans rancune… elle m’aura fait cogiter quelques semaines la vilaine, à me demander où j’avais été traîné mon pantalon 🙂

fruit-trefle-savane
hop! Scotchée au pantalon

Cette plante c’est Desmodium incanum que l’on appelle ici en Martinique « Collant » ou « Trèf savann ». J’avoue que j’ai une préférence pour son premier surnom. Il lui va si bien… Evidemment, il y a d’autres desmodium qui lui ressemblent énormément et qui présentent des caractéristiques botaniques à peine différentes. On la trouve dans les jardins où on la chasse comme une vulgaire mauvaise herbe, mais aussi… un peu partout en fait même si sa préférence va à des altitudes inférieures à 300m. Elle ne fait pas la difficile et nous offre ses jolies fleurs en papillons toute l’année. Une plante pas compliquée en somme et qui gratifie nos espaces cultivés de sa présence azotée, comme toutes les fabacées, les cultivateurs comprendront : c’est une plante de couverture intéressante qui fait l’objet d’expérimentations par le CIRAD ici en Martinique pour éviter d’utiliser des désherbants. En plus elle constitue un fourrage intéressant pour les bêtes.

Soyez vigilants si vous voulez l’utiliser à des fins médicinales : il vous faudra une bonne flore pour être sûr que c’est bien elle : combien de fruits ? L’inflorescence est-elle plus trapue que sur les photos ? La couleur des fleurs ? Les feuilles à 3 folioles ? La vigilance est de mise !

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Une médicinale de renom… mais est-ce le bon ?

La vérité, c’est qu’il serait aisé de confondre un trèfle avec un autre. On m’a demandé par email il y a quelques mois si c’était bien le desmodium qui éliminait les calculs rénaux que l’on trouve sur les marchés en Guadeloupe.

Hum…

Voilà qui est bien vague. Méfiez-vous des promesses faites par les vieilles femmes qui vendent leurs herbes au marché. Si vous n’êtes pas fin connaisseur, vous aurez vite fait d’y perdre votre latin botanique et de vous retrouvez avec une plante sans effet pour le mal qui vous amène. C’est le problème avec les noms vernaculaires. Un trèfle, un trèfle, c’est bien vague pour en faire sa médecine, non ?

Il faut savoir d’abord que certains Desmodium font l’objet de recherches scientifiques poussées et très prometteuses. Mais ce n’est pas le cas de celui qui pousse dans mon allée (zut, alors!). Ainsi, c’est Desmodium styracifolium qui empêche la formation de calculs urinaires. Le Desmodium gangeticum est lui originaire d’Inde et possède la propriété étonnante de favoriser les facultés mnésiques entre autres.

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Le Desmodium gyrans est quant à lui reconnu pour ses facultés extraordinaires en tant que… danseur ! Des expériences ont montré qu’il bougeait avec de la musique. Ces desmodiums sont vraiment une famille étonnante, vous trouvez pas ?

Il y a aussi le célèbre Desmodium africain, dont on ne prend même pas la peine de décliner l’identité complète (D. adscendens) tant il est connu pour ses vertus hépatoprotectrices : il protège le foie. Il a largement dépassé la seule utilisation en médecine traditionnelle africaine. Il est aujourd’hui très utilisé de part le monde, et en gélules (on peut aussi le trouver en tisane) pour traiter la dépendance alcoolique. Oui, c’est vrai qu’en cas de cure detox, on utilise beaucoup en Europe le radis noir, l’artichaut ou le chardon-marie, mais vraiment, le Desmodium adscendens les surpasse tous ! Bon à savoir aussi : il facilite l’arrêt du tabac… avis aux fumeurs.

Enfin, j’ai aussi trouvé un desmodium utile en cas d’envoûtement et de magie!

Et le mien alors ? Mon Desmodium incanum aux jolies fleurs roses ? Eh bien il est aussi médicinal, même s’il ne sait pas danser et rassurez-vous, je devrai pouvoir lui trouver une utilité sans problème !

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Propriétés médicinales du Desmodium incanum

Clairement, après les prouesses de ses cousins mentionnés juste au-dessus, il va sembler moins intéressant. Mais quand même…Traditionnellement utilisé à Porto Rico contre les dysenteries (racine et plante entière), Longuefosse valide son usage contre la diarrhée légère (infusion des feuilles). En Guadeloupe, on prend une tisane des feuilles quelques jours avant l’accouchement pour faciliter la délivrance. A Trinidad, on l’utilise contre les inflammations, la cystite, la fièvre.

La plante est utilisée à Sainte-Lucie contre les hémorragies et en application externe contre la blesse.

Elle entre dans la composition des bains domestiques avec d’autres plantes.

Longuefosse la recommande également en cas de rétention hydrique (tisane des feuilles).

Et vous ? Avez-vous du Desmodium qui pousse sauvagement près de chez vous ?

Sources : Longuefosse, tome 2

Autres noms : tsilavondrivatsa (malgache), collant, cousin, desmodium incanum, desmodium canum, trèfle savane, kouzen, trèf savann, sweetheart, man-to-man, cadillo grande

    3 replies to "Elle vous colle à la peau : desmodium incanum l’attach(i)ante"

    • ragouton

      salut à tous
      ….Et dire que je m’applique à arracher cette bonne plante de mon jardin. ce matin encore….
      Je suis contente d’être tombée sur ce blog.

    • Gontard

      Nous avons une ou deux espèces de desmodium qui poussent sur le bord des chemins ou en plein au milieu des sensitives et autres herbes folles. Je ne parviens pas à savoir si elle a une apparence quand elle est rampante et qu’elle en change quand elle grandit. Quelques photos suivront dès que…

      • Cécile Mahé

        Je vais essayer d’installer un plugin qui permette de partager les photos sur le blog, ce serait tellement plus facile! A bientôt

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